BELLA ★ The show must go on.

Il y a des mamans qui considèrent que la naissance de leur premier enfant est le plus beau jour de leur vie. Plus encore que leur mariage. Elles sont tellement heureuses qu’elles ne quittent pas des yeux ce qui est, de leur avis, la huitième merveille du monde. Pour d’autres, en revanche… « AAAAAAAAAAAAAH PUTAIN FAITE-LA SORTIIIIIIR ! » L’infirmière leva les yeux au ciel mais ne fit aucun commentaire. « Poussez encore, on y est presque… », se contenta-t-elle de dire. Cece se redressa légèrement. « J’AIMERAI BIEN T’Y VOIR TOI », hurla-t-elle. Elle grimaça et retomba sur l’oreiller en gémissant. Elle avait l’impression que son corps n’était plus qu’une douleur générale, tellement elle souffrait. Comment pouvait-on appeler ça le miracle de la vie ? C’était plutôt le cauchemar de l’enfer ! Et puis elle ne voulait pas accoucher maintenant… Maddox n’était même pas là, alors qu’il avait juré de venir ! Mais non, monsieur n’était pas là. Il foutait quoi, d’ailleurs ? C’était lui qui avait déconné, neuf mois plus tôt, avec cette capote, alors pourquoi, POURQUOI ça devait être elle qui devait endurer ça ?! Bordel, accepter de vivre avec un mec ne voulait pas dire qu’elle voulait avoir des gosses dans l’année qui suivrait ! « Je veux téléphoner… Je dois appeler le père… », souffla-t-elle en tendant la main. La sage-femme fronça les sourcils. « Non, non et non ! Vous allez d’abord finir ce qu’on a commencé ! », répliqua-t-elle. Cece se souleva sous le coup de la douleur et poussa un nouveau hurlement suraigu. Elle ne verrait plus jamais un hôpital comme un lieu où l’on soulageait la douleur. Plus jamais. Une vague de chaleur et de douleur dévora de nouveau son corps avant qu’un long cri aigu ne se répercute dans la pièce. La sage-femme enveloppa le nourrisson dans un drap en souriant. Epuisée, Cece ferma les yeux, tremblante. Maddox avait menti. Il n’était pas venu.

« Alors, miss Whitemore, on se dort la pilule dans les loges ? », demanda une voix narquoise. Je ne tournai même pas la tête. Pas besoin, je savais déjà qui se trouvait dans l’embrasure de la porte. « Va jouer ailleurs, Blackstone », répliquai-je en faisant claquer une bulle de mon chewing-gum. Il s’approche de moi et s’assoit dans la chaise tournante à côté de la mienne. « Sans rire, j’ai entendu dire que t’allais mettre fin à ton contrat », dit-il plus sérieux. Je levai les yeux sur lui. Avec ses yeux et ses cheveux noirs, il faisait craquer des millions d’adolescentes dans le monde entier. Mais pour moi qui le connaissait depuis le début du tournage de la sitcom dans laquelle nous jouions depuis cinq ans, il n’était qu’un copain d’enfance. « Ca s’pourrait », répondis-je, évasive, en faisant une nouvelle bulle qui éclata dans la loge silencieuse. « Je veux dire, Phoenix, j’ai treize ans, j’pas envie de rester toute ma vie célèbre pour avoir été Britanny-Campbell-l’intello dans une sitcom pour ado », répliquai-je en le regardant profondément. Il haussa les épaules. « Ca s’défend. Si tu fais pas ça, tu feras quoi ? Vivre sur les ronds de ta mère ? », me défia-il, narquois. « Peut-être que oui », répliquai-je encore en faisant claquer la page de mon magazine. « Ah oui ? C’est pour ça que tu supportes pas d’être dans la même pièce qu’elle ? », riposta une autre voix. Je tournai la tête et découvris Julian, adossé à la porte, les bras croisés. Je rougis. « Je t’ai pas sonné, Ju », sifflai-je en tirant la langue. Julian, Phoenix et moi incarnions les trois personnages principaux de la série, aussi nous avions noués une complicité naturelle au cours des cinq dernières années. Sauf que j’éprouvais pour Julian ce que les millions de filles de treize ans éprouvaient pour Phoenix — et lui aussi, en fait. « Les enfants, Ryan vous appelle sur le plateau 4 », intervint un régisseur en pénétrant dans la loge.

« Tu te rends compte de la position dans laquelle tu me mets ? », hurla Cece en agitant le journal. Sa voix suraigüe me faisait l’effet d’ultrasons. Assise près du bar chromé qu'offrait notre immense salon, je poussai un grognement en me massant les tempes et ingurgitai une gorgée de mon café serré. « Arrête de crier… j’ai un mal de tête pas possible… », marmonnai-je en plissant les yeux. Mais ma mère me faisait toujours face et n'avait pas précisément l'air de quelqu'un qui va la mettre en veilleuse. Cece jeta le journal sur le comptoir du bar, et il arriva pile sous mes yeux.

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